Résistances Caen
Après la forte mobilisation du 10 octobre dernier, une nouvelle large intersyndicale appelait à une journée de mobilisation pour défendre les services publics. Symboliquement, le point de rdv est fixé devant la gare en soutien aux cheminots attaqués sur leur statut. Ces derniers ont pris un train tôt le matin pour monter à Paris pour leur manifestation nationale mais d'autres ont préféré rester à Caen et se joindre au cortège unitaire.
Les manifestants arrivent peu à peu et la place de la Gare, pourtant en travaux, se remplit progressivement avec des petits cortèges par secteur : santé, éducation, étudiants/lycéens. A 10h50, le cortège s'ébranle et prend la direction de la rue de la Gare, contrairement à ce qui avait été indiqué dans la presse locale le matin même. Au loin, les manifestants peuvent apercevoir les forces de police quitter la rue Jules-Oyer pour prendre la rue d'Auge puis de Vaucelles. Il est rare que la police se positionne aussi près du départ d'une manif.
Le cortège remonte la rue de la Gare et passe le pont Churchill ; à la sono CGT, on ironise "on a gagné on a passé un pont", rappelant ainsi que la préfecture empêchait tout cortège syndical de passer l'Orne lors des mobilisations contre la loi Travail. Alors que la tête de cortège aborde la place du 36e RI, la queue quitte seulement la place de la Gare, indiquant que la mobilisation est forte. On parle déjà de 5 à 6 000 manifestants.
Au sein du cortège, un groupe d'une centaine de personnes se démarque, regroupés autour d'un dragon fictif monté sur un caddie. Ce groupe est plus offensif dans ses slogans mais aussi dans ses actions. A l'entrée de la rue Saint-Jean, des œufs et des boules de peinture en partent en direction de la vitrine de la banque Crédit du nord sous les hourras des manifestants. Ce petit manège se reproduit sur le reste du parcours sur d'autres banques ainsi que la maison du tramway et des grands travaux (inutiles selon des manifestants) rue de Bernières.
Alors que le cortège passe l'intersection de la rue Sain-Jean avec la rue du Havre, un fumigène est lancé en direction de deux policiers du renseignement territorial qui observait le défilé de la rue du Havre. Ils ont le temps de voir venir le fumigène et peuvent l'éviter sans souci. Mais ce geste accroit la surveillance sur le cortège "dragon" et plusieurs policiers en civil de la BAC tentent de s'y infiltrer mais ils sont rapidement démasqués et montrés du doigt. Ces derniers doivent continuer leur surveillance de plus loin.
La manifestation suit son cours et passe par la rue de Bernières, quai Vendeuvre, l'avenue de la Libération, la rue Montoir-Poissonnerie puis redescend par la rue Saint-Jean pour bifurquer par la rue de Bernières afin d'atteindre le théâtre. Il est un peu plus de 12h15 quand les premiers manifestants arrivent sur la place, les derniers étant encore au niveau de l'église Saint-Pierre. Les premiers chiffres tombent : la police parle de 5 000 personnes tandis que les organisateurs annoncent le chiffre de 8 000. La configuration des lieux n'incite pas les manifestants à rentrer sur la place et les dernières prises de parole sont peu écoutées ; l'attention est qui plus est détournée par une personne déguisée en ours qui monte sur les haubans du théâtre et qui salue la foule. Une dernière annonce à la sono indique la tenue d'une AG inter-sectoriel dans l'auditorium des Beaux-Arts situé dans le château pour 13h.
Un petit groupe de manifestants décide de se rendre directement à l'AG sans passer par la case restauration. Il s'engage rue du Pont-Saint-Jacques mais fait rapidement face aux véhicules de police stationnés depuis de longues minutes place de la République. Les manifestants coupent par la rue de la Fontaine et ils sont suivis de près par des policiers de la BAC dont certains portent des autocollants syndicaux pour mieux se fondre dans le groupe. Mais ils sont rapidement démasqués et prennent leur distance avec le cortège. Alors que le groupe passe devant le Mac Do, les véhicules de la police déboulent de la rue du Moulin et viennent se coller au petit cortège. Les manifestants se regroupent et montent au pas de course vers le château. La filature cesse sauf quelques policiers du renseignement territorial qui pointent le bout de leur nez dans l'enceinte ducale.
Il y a déjà quelques personnes aux abords de l'auditorium dont quelques militants syndicaux ; beaucoup de manifestants ont profité de la fin de la manifestation pour aller se restaurer avant de monter au château. L'ambiance est au repos et à la discussion. Mais, peu après 13h, une voiture de la BAC remonte le Gaillon et entre dans le château côté université. La voiture pénètre sur le parking puis s'avance vers le musée des Beaux-Arts. Quatre policiers en sortent (sans aucun signe distinctif) et se dirigent vers un manifestant qu'ils menottent. Les autres personnes présentes protestent et demandent des explications. Ils ne reçoivent en réponse que des injonctions à reculer et des coups de matraque télescopique. La tension monte entre ces policiers et les personnes se trouvant près du musée. Dans la panique l'un des policiers ouvre le coffre du véhicule et s'arme d'un flashball dont il a toutes les peines du monde à utiliser correctement (il manque de faire tomber les munitions). Il met alors en joue les manifestants les plus proches, au mépris des règles de sécurité préconisées pour l'utilisation de cette arme controversée. Un autre policier fait usage de grenades de désencerclement qui blessent plusieurs manifestants. Il faut dire que la voiture se trouve alors au niveau de l'entrée du musée et qu'il n'y a pas d'autres sorties que celle bloquée par les manifestants. Des policiers municipaux, alertés par leur collègue présent en permanence dans l'enceinte, arrivent en renfort mais ils ne sont pas habitués à gérer une telle situation. Il faut de longues minutes pour que les renforts de la police nationale arrive, les premiers fourgons arrivent à toute vitesse au niveau du parking, soulevant beaucoup de poussière, renforçant l'image d'une intervention cow-boy. Les policiers équipés de boucliers et casques foncent vers leurs collègues de la BAC afin de disperser les derniers manifestants qui empêchaient le départ de la voiture où était l'interpellé. Plusieurs manifestants mais aussi touristes demandent des comptes aux policiers sur leur intervention mais ces derniers ne veulent pas répondre et distribuent à la place des coups de matraque. Bientôt, d'autres renforts de police arrivent et les premières grenades lacrymogènes sont lancées en direction des manifestants....et de certains touristes médusés. Durant cette intervention, une personne profite que les policiers aient malencontreusement laissé ouvert l'un de leur véhicule pour s'installer sur le siège conducteur. Voyant cela, les policiers réagissent violemment et extraient l'impétrant, la plaquant au sol et le rouant de coups. Au passage, l'un des policiers du renseignement est bousculé par ses collègues en uniforme et tombe à la renverse.
Une fois les policiers de la BAC et leur véhicule dégagé, un fourgon vient se positionner à l'entrée du musée et le premier interpellé et mis à l'intérieur. Le second le rejoint un peu plus haut sur le parking. La situation se fige et les policiers remontent tous dans leurs véhicules puis quittent le château . Les manifestants commencent à compter les blessés : une dizaine dont un ayant pris un flashball au niveau du fois et qui crache du sang. D'autres ont les jambes marquées par les impacts des grenades de désencerclement. C'est dans ce contexte que s'ouvre l'AG qui aborde dans son premier point ce qui vient de se passer. Lors de toutes les interventions, les mêmes mots reviennent : violence policière, disproportion. Après 1h30 de débats, il est décidé d'aller soutenir les deux interpellés en se rendant au commissariat. C'est près d'une soixantaine de personnes qui s'y rend en petits groupes. La police est obligée de fermer la rue Thibout-de-la-Fresnaye. Juqu'à environ 20h, des personnes restent dans la rue et assistent tout d'abord à la libération du mineur interpellé. Puis, après le départ des derniers manifestants, le majeur est lui aussi relâché, il est poursuivi pour jet de projectile sur personne dépositaire de l'autorité publique;