Santé, sécurité sociale Quelles alternatives au néolibéralisme ?

Une contre-réforme au nom du déficit
Une vraie réforme concernerait les fondements de l'assurance maladie : universalité, solidarité et gratuité car la santé n'est pas une marchandise
Pas de dérives des dépenses de santé en France : 9.5 % du PIB (comparaison Allemagne 10.7, Suisse 10.9, Canada 9.7 ; par contre aux Etats-Unis 14 % du PIB alors que un quart de la population soit 70 millions est privé de toute couverture sociale et la moitié des habitants soit 138 millions n’a pas accès à des soins convenables)

En 1982 salaires et cotisations sociales représentaient 80 % du PIB contre 70 % en 2002, alors que le PIB atteint 1 500 milliards d’euros. Autrement dit les profits notamment financiers se sont considérablement accrus au détriment des salaires et cotisations sociales. Le différentiel est estimé à 150 milliards par an. (soit 15 fois le déficit actuel)

Diminution forte de la masse salariale par augmentation du chômage et blocage des salaires = diminution des recettes

36 mesures d’exonérations de cotisations sociales décidées par les pouvoirs publics au prétexte d’agir pour l’emploi. Perte de recettes estimées à 3 milliards par an
L’Etat doit par ailleurs 4 milliards aux caisses de la Sécu
Les dettes patronales s’élèvent quant à elles à 2 milliards.

Propositions du MEDEF et assurances privées :
Remplacer les cotisations sociales par la CSG. But : faire baisser les cotisations patronales. Or les cotisations sociales représentent du salaire socialisé, mutualisé pour rémunérer les périodes non travaillées (arrêt maladie, retraite, chômage, accidents du travail…) et pour assurer gratuitement l’accès aux soins. Le salaire socialisé est géré par la sécurité sociale. Le MEDEF en le cassant pourra capter une part de plus en plus importante des flux financiers concernés.
Une CSG déductible des impôts. Mesure à rejeter puisqu’elle favorise les hauts revenus et accroît encore les inégalités
Le « panier de soins » (existe aux USA) : en fonction de vos cotisations, de votre âge, de votre profession, de votre état de santé, des possibles risques (tabac, alcool…) vous avez droit à un certain montant de dépenses de santé par an. Si vous dépensez plus vous payez vous-même ou vous contractez une assurance complémentaire (+ pour assureurs)
la création de nouveaux intermédiaires « opérateurs de soins » issus des compagnies d’assurances ; on imagine alors la suite : pression, rationnement des soins, remboursements les plus faibles.

Il ne s’agit pas pour autant de défendre seulement le système de santé actuel puisqu’il est profondément inégalitaire, géographiquement et socialement.
Sa gestion actuelle prête trop au MEDEF. Une refonte démocratique s’impose.
Le régime obligatoire d’assurance maladie doit être élevé à 100 % (aujourd’hui 76 % des soins pris en charge).
Il faut également développer une politique de prévention et d’éducation à la santé
Coordonner l’ensemble des professionnels en réseaux sanitaires
Les activités des industries pharmaceutiques doivent être contrôlées : développement des génériques ; empêcher toute extension des durées des brevets et le brevetage sur le vivant
Mettre fin aux consultations et lits privés dans l’hôpital public
Améliorer le financement par la fin des dettes patronales et de l’Etat. La part patronale des cotisations sociales doit augmenter
Démocratie participative, organisation de débats collectifs alliant l’ensemble des acteurs sans oublier les usagers.

LE FAMEUX TROU DE LA SÉCU
2003 : 10 milliards d’euros
1.6 milliards en 2000 ; 2.1 en 2001 ; 6.1 en 2002
Résultat de dépenses en hausse et de recettes en baisse. Le montant des cotisations exonérées a été multiplié par 6 entre 1993 et 2002 passant de 3 à 19.5 milliards d’euros
D’où la question centrale : à quoi sont utilisées les sommes que la collectivité affecte au système de soins ? Ce déficit est issu d’un mauvais partage de la richesse générée par le travail de tous.

LES INÉGALITÉS SOCIALES DE SANTÉ
La France se distingue par 2 caractéristiques : une amélioration de l’espérance de vie (gain de 1 trimestre par an) mais aussi par les écarts d’espérance de vie les plus importants entre les catégories sociales.
Les liens entre chômage et santé sont de plus en plus mis en évidence : effet des licenciements, insomnie, angoisse, dépression…
L’activité professionnelle peut aussi porter atteinte à la santé : produits utilisés (amiante, éthers, solvants…), conditions de travail (chute, accident), rythmes de travail… Le développement de la précarisation de l’emploi : incertitude, mauvaises conditions, peur de l’avenir, travail peu valorisant, hiérarchie dure…
Les conditions de vie sont également primordiales :
environnement familial,
logement,
alimentation : agriculture industrielle pour une alimentation de faible qualité en grande quantité et à bas prix, fort développement de l’obésité (10 fois plus importante chez les enfants d’ouvriers non qualifiés que chez les cadres)
conditions d’hygiène
consommation de produits nocifs (alcool, tabac et le sucre et les graisses ! 69 % des enfants des cadres supérieurs n’ont pas de problèmes dentaires contre 48 % pour le enfants d’ouvriers)

Traiter des problèmes de santé nécessite une réelle politique en amont des soins
Même quand la maladie arrive les comportements diffèrent : les catégories sociales favorisées recourent à la prévention, à la médecine surtout en ville et aux spécialistes. Les catégories défavorisées utilisent l’hôpital en dernier recours mais souvent quand il est trop tard.
Les mentalités ont aussi changé : revendiquer comme une évidence d’avoir droit aux soins ; rechercher un état de santé optimum (se soucier de soi !).
Cependant des obstacles demeurent :
le paiement : il faut avancer les soins malgré la généralisation de la carte vitale ; le tiers payant ; couverture par une mutuelle très inégale
Les mentalités : il faut aussi connaître ses droits et savoir quels soins utiliser

UN ACCÈS AUX SOINS POUR TOUS
Rapport Chadelat www.ladocumentationfrancaise.fr/brp/notices/034000159.shtml

Principe remis en cause : chaque personne qui en a la capacité paie des cotisations non en fonction des risques qu’elle représente mais en fonction de ses revenus.
Les soins remboursables sont définis par une série de textes (décrets et arrêtés pris par le gouvernement sans en référer au Parlement). Aucun débat collectif, aucune réflexion sur l’utilité des soins. D’où le déremboursement de médicaments et actes dans le seul but financier de réduire les dépenses. Si la seule logique veut que ces médicaments ne soient pas indispensables, pourquoi alors ne pas les retirer de la vente.
L’assurance maladie prend en charge actuellement 76 % des dépenses, les organismes complémentaires 12 % et les ménages 12 %. Cependant les disparités sont importantes entre tel acte pris en charge à 90 % et des soins dentaires à seulement 30 %.
Le marché des complémentaires santé pèse 20 milliards d’euros répartis à 60 % pour les mutuelles, 20 % pour les sociétés d’assurance et 20 % pour les institutions de prévoyance. La moitié des personnes couvertes par les complémentaires santé le sont par des contrats collectifs d’entreprises. En dehors de certaines mutuelles de la fonction publique, ce marché est une jungle complète.
Résultat : en dehors des plus pauvres couverts par la CMU (4.8 millions de personnes), on estime que 5 % de la population ne dispose pas de complémentaire du fait de son coût. Chaque année 11 % des Français renoncent à un soin (avec des inégalités très marquées : pour les revenus mensuels inférieurs à 500 Euros, 16.5% renoncent aux soins ; pour ceux supérieurs à 1 300 euros, 7.6 % renoncent aux soins).
Dans le rapport Chadelat, le « panier de soins » sera en partie pris en charge par le régime obligatoire, le reste relevant d’un contrat complémentaire dont le montant sera librement déterminé par l’assureur. Il préconise alors une aide financière de l’Etat pour tous les assurés pour acquérir cette complémentaire tandis que la Mutualité française préconise un crédit d’impôt. Détournement encore de fonds publics au profit des organismes privés.


D’où prises en charge inégalitaires ; assurances facultatives ; cotisations libres ; une couverture à géométrie variable
Parmi les mesures prises en 2003-2004 :
l’AME (Aide Médicale d’Etat) pour les étrangers connaît désormais de multiples restrictions : résider en France depuis au moins 3 mois ; l’admission immédiate est supprimée ; la prise en charge directe n’est possible qu’en cas de danger de mort ou d’altération grave et durable de la santé ; tracasseries administratives pour contrôler la domiciliation, les ressources et allongement de l’attente des soins ; fin de la prise en charge à 100 %
augmentation du forfait hospitalier (partie non prise en charge) à 13 euros par jour
déremboursement de nombreux médicaments
Revendiquer une prise en charge à 100 % des soins utiles et nécessaires
La disparition d’une part de l’activité des mutuelles serait compenser par d’autres missions : espace de débat, d’éducation à la santé, de gestion d’œuvres sanitaires et sociales, d’innovation et de prévention

ANATOMIE DU SYSTÈME
Les 3 réformes assurance maladie, hôpital 2007 et plan dépendance forment un tout ayant comme fondement l’entrée des assureurs et la privatisation du système de soins. (Marchands de biens de santé)
La médecine de ville repose essentiellement sur le système libéral
Le système hospitalier privé dispose de 35 % des lits dont 25 % dans le secteur privé lucratif. Surtout le financement du secteur hospitalier privé se fera sur fonds publics au détriment du secteur public qui sera lui de plus en plus privatisé : sur 2 milliards d’euros 22 % iront à l’hôpital public contre 78 % à l’hôpital privé. Le budget d’un hôpital ne se fera plus sur la base du bilan de l’année écoulée mais sur celle d’un état prévisionnel des recettes et des dépenses sous le contrôle du directeur de l’agence régionale de l’hospitalisation, sorte de super préfet sanitaire. Ce système va entraîner une course aux recettes (puisque les crédits seront alloués selon les volumes de l’activité) et les choix pour les actes les plus rentables auprès des populations les plus solvables. Les structures publiques devront par contre accepter les pathologies les plus lourdes et les moins rentables. De plus la sous-traitance sera accélérée pour tous les services techniques et administratifs périphériques aux soins. Tous les critères des entreprises privées s’appliquent et répondent par ailleurs aux directives de l’OMC via l’AGCS.
Refus de prendre en charge les ayant droit à la CMU ; secteur 2 pour les médecins libéraux avec donc honoraires libres ; honoraires libres aussi pour les médecins dans les cliniques privées, absence de permanence médicale et tarifs plus forts le week-end ; concentration de spécialistes dans les zones géographiques où la population est la plus solvable
D’où des files d’attente dans les services d’urgence des hôpitaux publics ; une faiblesse des investissements et des limitations budgétaires ; une partie des usagers a été captée par les cliniques privées spécialisées dans les secteurs les plus lucratifs ; la présence du secteur privé dans l’hôpital public ; une désertification en zone rurale et en zones en crise économique (< 150 médecins pour 100 000 habitants en Nord-Pas-De-Calais ; > 200 sur la Côte d’Azur)
Quelles alternatives :
un service public
refuser de financer le secteur privé par les fonds publics et par la Sécurité Sociale
le retrait du plan hôpital 2007
le refus du Plan Raffarin « solidarité avec les personnes dépendantes »qui crée une caisse spécifique alimentée par le prélèvement de la rémunération d’une journée de travail supplémentaire pour les salariés. En sortant les personnes dépendantes du régime général, le gouvernement efface le principe de solidarité intergénérationnelle et les place surtout face à un recours à la capitalisation. En Allemagne ce système existe depuis 1993 avec en plus du jour férié une cotisation spéciale pour les fonctionnaires or le nombre de personnes dépendantes augmentant le déficit se creuse d’année en année.
l’arrêt des restructurations et de la fermeture d’hôpitaux de proximité et de services avec revalorisation de leurs missions
mise en place d’un vaste plan de formation avec augmentation des places dans les écoles et universités (départs en retraite massifs dans les 10 prochaines années, 1 hospitalier sur 4) ; amélioration des conditions de travail ; revalorisation des salaires
reconstruire un système de soins basé sur les valeurs avec au cœur du dispositif les médecins de proximité et le regroupement de l’ensemble des professionnels de santé dans un seul lieu (maisons associatives autogérées, dispensaires, maisons de santé, hôpital de proximité) ; les médecins avec à leurs côtés les infirmières libérales, les travailleurs sociaux, les infirmiers et médecins scolaires, du travail et des PME pourraient identifier les causes et risques des maladies observées et surtout mieux encadrer les patients. Il faudrait alors pouvoir proposer aux médecins volontaires de travailler sur la base d’un salaire qui inclurait les tâches de soins, de formation médicale continue et de santé publique (ce qui mettrait fin au paiement à l’acte).

LE BOULET DES MÉDICAMENTS
Les médicaments pèsent de plus en plus lourds dans les dépenses de santé : 20 % des dépenses soit 30 milliards d’euros par an. Par habitant, le remboursement annuel est passé de 625 francs en 1980 à 2 293 francs en 1999. L’inflation de la consommation de médicaments s’est accrue malgré l’arrivée timide des génériques.
Non seulement la quantité de médicaments s’est accrue mais leur prix également puisque les nouveaux médicaments sont plus coûteux mais pas plus efficaces (coefficient reconnu de 10 à 100 fois le prix initial). De plus il s’agit trop souvent de fausses innovations (puisque pas plus utiles pour la santé et plus chères) voire iatrogènes (provoquant maladies, effets secondaires voire même décès ; ce qui est un risque calculé par les multinationales, le temps que le procès arrive avec une condamnation dérisoire, les bénéfices engrangés auront été considérables). De plus la tendance à favoriser les médicaments perdure là où une hygiène de vie ou une meilleure alimentation suffirait.
L’industrie pharmaceutique a été projetée dans le contexte international dominé par les multinationales américaines et surtout les principes libéraux. D’où les restructurations, fusions, diminution des coûts affectés à la recherche, augmentations des profits, brevets sur le vivant sur les plus longues durées possibles et contrôle de toutes les applications. Logique de prédateurs et dangers évidents.
L’industrie pharmaceutique française doit retrouver sa place : chiffrer son activité en termes d’emplois, bénéfices, chiffre d’affaires, recherche et évidemment importance pour la santé et l’indépendance sanitaire (fuite des cerveaux). De droite comme de gauche il n’y a pas eu de volonté politique sous la pression des lobbies. De même il semble urgent de dissocier formation continue, information des médecins et pharmaciens des firmes pharmaceutiques.
Il faudrait également interdire toute publicité sur tel produit


Repenser le financement : les recettes procèdent de 2 sources, la CSG et les cotisations patronales. La CSG est un impôt uniforme sur les revenus du travail et du capital (sauf produits financiers, stock-options et exonérations nombreuses sur le capital), résultat la CSG pèse à 80 % sur les salariés. Introduite par le gouvernement Rocard en 1990 pour financer en partie les allocations familiales, elle avait le taux modeste de 1.1 %. Augmentant progressivement pour arriver à 7.6 % sous Jospin. Une mesure s’impose : en faire un impôt fortement progressif pour mettre à contribution les hauts revenus.
Taxer les profits improductifs : dividendes versés aux actionnaires, bénéfices placés sur les marchés financiers…
Augmenter les cotisations patronales : tandis que les taux de cotisations des salariés ont augmenté de 8.2 %, ceux des employeurs n’a augmenté que de 1.8 %
Evidemment une vraie politique de l’emploi diminuant le chômage permettrait aussi d’augmenter les recettes

La représentation du patronat dans le secteur de la santé n’a de légitimité que dans la gestion des accidents du travail et des maladies professionnelles au nom du risque industriel. Le patronat n’a par contre aucune légitimité dans la gestion de l’assurance maladie obligatoire et l’organisation du système de soins. Lui avoir dévolu ce rôle présente les plus graves dangers qui permettent de surcroît de justifier toutes les mesures sociales régressives
Les zélateurs de la marchandisation sont en train de vivre leur vrai conte de fées…
Document ATTAC
Ce texte a été vu 2968 fois depuis le 04 juillet 2004
Résistances Caen 2003-2024 - contact