Témoignage de la haute violence répressive contre la tentative de fauchage d'un champ minuscule

Alors voilà, en ce qui nous concerne, nous étions venu de Montpellier à neuf. Parmi nous il y avait, tout confondu, des membres du CROAC (Collectif de Résistance et d'Offensive Anti Capitaliste), des Antipubs et des Décroissants.

Arrivés sur place vers 12h. Réunion collective de préparation, pendant laquelle absolument tout le monde ignore la violence qui va suivre, puisque les autres fauchages s'étaient trés bien passés, sans violence. José Bové, conseille aux femmes de passer devant afin de montrer qu'elles aussi sont en lutte, et qu'elle puissent arracher de l'ogm, on conseille même de leur faire une allée d'honneur jusqu'aux OGM et on demande à ceux qui ont déjà fauché les autres fois de laisser l'honneur de le faire aux nouveaux car le champ n'est pas grand et que pour les 800 que nous étions il était clair que tout le monde ne pouvait pas faucher.

Sur ce, nous partons, j'étais même un peu déçu, me disant, bon ça ne va prendre que 5 à 10 minutes sur place, alors que nous aurons roulé en tout 6h30 pour l'aller retour Auch-Montpellier...

Nous arrivons sur un grand terrain. Au loin on aperçoit les barrières, gardées par les CRS qui entourent non pas le champ d'OGM mais bien plus que ce dernier (avec le désacord du
maire de la ville qui avait fait passer un arrêté anti-OGM !) Et encore derrière cette barrière une nouvelle barrière, elle même à 50 mètres autour du champ, elle aussi gardée par les CRS mais pas seulement, il y avait des véhicules de l'armée.
Ce que nous pensions c'était que, comme les autres fois, on avancerait vers les CRS, ils se conteraient de nous bloquer, qu'il faudrait pousser un peu mais sans plus pour atteindre la parcelle et faucher le champ volontairement et qu'ils nous convoqueraient tous ensuite à la gendarmerie.

Ce ne fut pas le cas et loin de là.
Et les informations données par les médias sont loin de la réalité sur place (et pourtant ils étaient là, mais pas dans l'action).

La tête de cortège arrive au niveau des barrières, sans attendre que le reste du groupe soit entièrement arrivé, ils attrappent les barrières et les tirent vers eux, créant une ouverture.

Nous aussi en tête, nous avançons dans la 1ère strate, mais toujours LOIN, TRES LOIN du champ d'OGM, nous avançons bras levés en l'air, nous étions venus non-violents ; parmi nous, femmes, enfants, vieux, familles complètes, nous n'étions pas un black-block c'était clair. Nous avançions avec pour horizon et objectif la seconde barrière de CRS. Les premiers CRS qui étaient derrière les premières barrières, après l'ouverture des barrières, ont tout de suite reculé.

Et soudainement, sans sommation et alors que rien ne le justifie puisqu'il n'y a eu AUCUNE VIOLENCE DE NOTRE PART, nous avons reçu la 1ère lacrymogène. Au début, je me suis dit, bon ok, c'est bon, c'est juste pour nous impressionner ou nous ralentir, alors je l'ai contournée et j'ai continué à avancer, et là on a reçu encore 2 ou 3 lacrymogènes... toutes à tir tendu et il y a eu les premiers blessés. Sur le coup j'ai pas tout compris, j'ai tenté rapidement de voir à quel point ils étaient blessés (j'ai un diplôme de secouriste), ça allait, ça saignait mais rien de grave apparemment pour ceux-là. Déterminés à faucher de l'OGM, nous continuons d'avancer.

Et c'est là qu'est arrivé l'inimaginable (pas dit aux médias !!!). Un hélicoptère, présent depuis le début, mais que nous croyions venu pour filmer ou observer, commence à nous lancer des explosifs à fragmentation. Ces objets tombent du ciel, explosent en l'air, se
scindent en 3 parties brûlantes et tombent sur le sol.

Pendant que dans le même temps on nous lance des lacrymogènes et des engins qui explosent en touchant le sol, non identifiés. Quand je parle d'explosifs et d'explosions, il n'y avait pas de flammes, mais par contre il y avait réellement explosion, les champs de blé que nous traversions pour éviter ces charges en témoignent, et les 60 blessés comptabilisés par les pompiers sur place aussi (chiffre baissé à 4 quand France-Info parle de ce fauchage) dont 4 iront à l'hôpital pour blessures graves, parmi les 4 deux CRS et deux faucheurs volontaires. On notera que les CRS se sont fait mal eux même ! Nous ne pouvions pas les atteindre, ils étaient trop loin, leurs conneries d'explosifs ont dû leur exploser dans les mains. Pour ma part, alors que je me rendais compte que devant nous n'étions plus qu'une poignée et que ces tirs d'hélico ça mettait vraiment les boules, avec les autres nous reculons en courant pour essayer d'atteindre une distance suffisante. Mais les tirs étaient derrière nous certes... mais aussi devant, l'hélico faisait des rasages ! Nous nous en sommes sortis, je ne sais encore comment.

Il y a eu un long temps de vide, nous nous regardions tous les uns les autres, complètement ahuris, les visages à moitié décomposés par l'incompréhension et la fatigue.
Notre nombre diminue d'environ 200 ou 300, mais d'autres continuaient d'arriver. On s'organisa à distance, on se réunit et on repartit vers cette rangée de CRS que nous avions pu atteindre, l'hélico ayant dû partir (probablement plus d'essence, il était là depuis plus d'une heure), cette fois, on ne nous tira pas dessus.

On arrive sur place, on demande la libération de quelques uns (dont José Bové) qui se sont déjà fait embarquer et nous les empêchons de partir avec eux (on se jette sur les véhicules, on les bloque avec leur propres barrières...)

Ils sont contraints de les garder sur place et les ont cependant interrogés dans la plus grande illégalité, c'est a dire sans avocat.
Parmi les prisonniers, l'un au moment de sa libération alors qu'il retournait vers nous, FEINTE ! et réussi à courir vers le champ d'OGM car il était à ce moment derrière les barrières des CRS censées entourer le champ.

Il se fait poursuivre par 8 CRS dont certains tombent en le poursuivant, par leur propre incompétence. Il réussit à rentrer dans le champ d'OGM, tellement grand que nous ne voyons plus rien, évidemment il sera rattrapé plus tard et relâché encore mais cette fois ci sévèrement accompagné jusqu'à nous. C'est le seul qui a réussi a rentrer dans le champ d'OGM.

Nous nous mettons alors à pousser un peu les barrières, il faut bien qu'on les enlève ces OGM ! certain montent sur les barrières et se font sévèrement blesser par les CRS à coups de matraques.

La situation n'avancera pas plus vers le champ, les CRS pris de panique pour rien, balancent à nouveau des lacrymogènes et l'hélico est à nouveau présent mais ne tire pas (ou ne bombarde pas, comme vous voulez). On fuit comme on peut en arrière.
Alors que je fuyais, j'aperçois une mère accompagnée de ses deux enfants, une d'environ 8 ans et l'autre de 12 ans.

La petite fille ne pouvait plus marcher, la fatigue et la peur certainement, j'ai dû la transporter sur mon dos, suivi par sa mère et son autre fille jusqu'a ce que nous soyons suffisamment loin. Je ne veux plus jamais revivre une telle chose.

Ces CRS et leur armée ont délibérément tiré sur des familles, sur des enfants, au risque de les tuer, ils savaient qu'il étaient là, et parmi ceux matraqués il y avait beaucoup de vieux, des personnes qui n'avaient visiblement pas la force de se défendre, juste venus pour marcher et enlever ces OGMs.

Si on le refait je reviendrai quand même, et je crois que cette fois ci tout le monde apportera son matériel photographique, même au risque de le perdre, pour avoir la preuve hallucinante de la chose.

C'était Apocalypse Now, c'était le Viet-Nam ?
Non pas loin, c'était les faucheurs d'OGM volontaires à AUCH ! Vraiment incroyable !
Nous avons appris plus tard que c'est le préfet qui avait donné l'ordre et l'autorisation de cette barbarie et qu'il n'y est donc pas pour rien dans les 60 blessés physiques et les non comptabilisés blessés émotionnels, comme cette petite fille totalement appeurée que je me suis retrouvé à transporter sur mon dos.

Nous imaginons que les OGM seront fauchés évidemment clandestinement prochainement, malgré une probable garde continue de la parcelle (comme à Cournon). Après l'action, nous avions tous rendez-vous au commissariat d'à côté, nous voulions tous témoigner (600 personnes donc) pour les 3 personnes encore gardées (dont José Bové) dans ce commissariat (ils les
ont embarqués par un autre chemin, nous n'avons pas pu les empêcher). Vu notre nombre à 21h30 et quelques, devant cette mairie ils les ont relâché avec vitesse.
La lutte continuera.

Pour ma part, la seule chose qu'a réussi à me faire de voir l'armée et la police se lancer dans une violence aveugle et hallucinante, c'est de faire monter une rage que je m'ignorai (bien que contenue), pour avoir tiré alors que des enfants étaient là, et l'envie encore plus justifiée de retirer des OGM.

Par ailleurs j'ai vécu (mais c'est moins surprenant) la désinformation des médias, pourtant présents sur place... mais visiblement il y a certaines choses qu'il n'ont pas pu ou voulu dire.
BUGIN (Montpellier)
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